« L'année Psychanalytique Internationale
à la rencontre de « l'exception française »
Florence GUIGNARD
Rédactrice responsable
La psychanalyse française et son intégration sur la scène internationale.
Depuis près d’un demi-siècle, la psychanalyse
française a conquis ses lettres de noblesse dans le paysage de la
psychanalyse internationale. Elle a intégré ses multiples
particularités dans un style bien à elle ; son modèle
théorico-technique, reconnu hors de nos frontières, est désigné comme
« l’exception française ».
Nous devons ce rayonnement de la psychanalyse française à de
nombreuses personnalités qui ont œuvré pour intensifier la circulation
de la pensée psychanalytique française au-delà de ses frontières
linguistiques.
La communication trans-langagière en psychanalyse.
Cependant, sortie des auteurs classiques, la pensée
psychanalytique extra hexagonale contemporaine demeure encore trop
souvent étrangère au psychanalyste français. La langue maternelle du
psychanalyste est son outil princeps, tant dans sa dimension manifeste que latente. Le passage à une autre langue va le conduire à intégrer un style de pensée différent de celui auquel il est habitué. C’est l’un des écueils
majeurs de la communication de la pensée dans une langue autre que
celle où elle a pris naissance. Ce « génie de la langue »
marque également la lecture et l’écriture dans une
langue étrangère. La tâche de tout scripteur consistera à maintenir une
pensée vivante et à éviter sa disqualification en pensée unique,
mais,comme Umberto Eco le développe, le rôle du lecteur s’avère essentiel dans l’avènement de la signification contenue dans un texte.
Pourtant, cette communication trans-langagière est indispensable à
la diffusion et aux progrès de toute science, et la psychanalyse ne
fait pas exception.
C’est ainsi que, dès 1913, Freud et les premiers psychanalystes ont ajouté aux Revues déjà existantes - 1909, Jahrbuch der Psychoanalyse, 1911, Zentralblatt für Psychoanalyse, 1912, Imago - une première Revue Internationale de Psychanalyse : Internazionale Zeitschrift für Psychoanalyse .
Lorsque les premiers psychanalystes furent contraints par les
exactions nazies et le génocide du peuple juif de quitter Vienne et
Berlin, notamment pour Londres et pour les États-Unis, l’histoire de la
psychanalyse, tributaire de l’histoire du monde, a rejoint l’ensemble
de la tendance naissante du monde scientifique à installer la langue
anglaise comme langue véhiculaire, et E. Jones fonda en 1920, à Londres, l’International Journal of Psychoanalysis (IJPA).
La traduction en psychanalyse : un processus de transformation et d’identification.
Traduire en une autre langue l’activité de transformation que constitue la clinique analytique requiert du psychanalyste une souplesse identificatoire toute particulière. Le familier du discours sur la psychanalyse ne peut espérer « passer » au-delà d’un certain seuil d’étrangeté, qui découle des variables d’espace, de temps, de culture, ainsi que de la mentalité de groupe du sujet.
Pourtant, si la communauté psychanalytique veut maintenir en travail
tant la métapsychologie que la clinique et les questions
épistémologiques et techniques posées par celle-ci, il est de toute
première importance de multiplier les allers et retours entre les
différentes langues dans lesquelles s’exprime cette communauté. En
effet, le filtre nécessaire d’une langue véhiculaire - l’anglais en l’occurrence - ne suffit pas à garantir les conditions d’une véritable introjection de la pensée communiquée par des collègues d’une autre langue. Il fallait donc imaginer un « retour ».
Les « Annuels » de l’International Journal of Psychoanalysis (IJPA)
Depuis vingt ans, l’IJPA a installé ce
retour, en chargeant des équipes de psychanalystes d’une communauté
linguistique déterminée de sélectionner et de traduire chaque année des
articles publiés dans les six numéros de l’année précédente. L’idée
directrice d’une telle publication est de choisir les articles qui
pourraient rencontrer plus spécifiquement l’intérêt des lecteurs de la
communauté linguistique concernée.
Les premiers de ces « Annuels » ont été publiés en
portugais et en espagnol, et les résultats ne se sont pas fait
attendre : le succès des ventes de ces « Annuels » s’est
doublé d’une plus grande présence des cultures concernées dans les
numéros suivants de l’IJPA, de nombreux collègues hispanophones et lusophones ayant souhaité publier à leur tour dans l’IJPA.
L’Année Psychanalytique Internationale.
Dès 2003, à l’initiative du Rédacteur en chef des nouvelles publications annuelles de l’IJPA, Jean-Michel Quinodoz, qui m’en a confié la responsabilité éditoriale, la publication en français d’un premier numéro de L’Année Psychanalytique Internationale a vu le jour. Jusqu’en 2006, sa publication a été confiée à un excellent éditeur suisse, Médecine et Hygiène, dont la diffusion s’est malheureusement révélée insuffisante.
2007 a constitué une année charnière pour L’Année Psychanalytique Internationale,
avec le choix d’une nouvelle maison d’édition, les Éditions InPress,
dont les compétences en matière de publication et de diffusion ne sont
plus à démontrer. Notre proche collaboration avec ses Directeurs, Serge
Perrot et France Perrot, nous permet désormais de sortir d’une
diffusion encore trop confidentielle et d’espérer une importante
augmentation de notre lectorat.
Au cours de ses sept premières années d’existence, l’équipe éditoriale de l’Année Psychanalytique Internationale a traduit et publié près de quatre-vingt-dix articles d’auteurs issus
des cinq continents et de huit communautés linguistiques :
l’allemand, l’anglais, l’italien, l’espagnol, l’hébreu, le portugais,
le suédois, auxquelles il faut ajouter des articles en français,
inédits en France et publiés dans l’IJPA.
Le Comité de Rédaction de L’Année Psychanalytique Internationale fonctionne sur le mode du bénévolat. Il se compose aujourd’hui de dix
membres francophones de l’Association Psychanalytique Internationale,
issus de cinq pays francophones et de cinq Sociétés de Psychanalyse.
(Florence Guignard, Paris, (SPP), Rédactrice responsable ;
Jean-Michel Quinodoz, Genève (SSP), Secrétaire ; Louis Brunet,
Montréal, (SCP) ; François Gross, Sion, (SSP) ; Danielle
Goldstein, Paris, (APF) ; Céline Gür Gressot, Genève, (SSP) ;
Marcel Hudon, Montréal, (SCP) ; Michèle van Lysebeth-Ledent,
Bruxelles, (SBP), Luc Magnenat, Genève, (SSP), Diana Messina-Pizzuti,
Bruxelles, (SBP), André Renaud, Montréal (SCP).) Il se charge de lire
tous les articles parus dans les six numéros de l’IJPA de l’année en cours, d’en sélectionner un certain nombre et de les traduire, pour publier le volume de L’Année Psychanalytique Internationale au mois de mai de l’année suivante, à l’occasion du Congrès annuel des Psychanalystes de Langue Française.
Tous les membres de notre équipe de rédacteurs travaillent en
collaboration étroite et constante les uns avec les autres. Nous nous
réunissons deux fois l’an et, au fil des mois, par internet, les
traductions et leur relecture tissent des liens toujours plus étroits
entre nous et affinent les compétences de chacun.
Grâce à l’efficacité de Luc Magnenat, nous disposons également d’un site internet : www.frannuel.org sur lequel le lecteur peut découvrir différents articles publiés en
ligne, ainsi que des informations sur notre publication qui, dès
maintenant, peut être obtenue auprès de toutes les librairies
francophones spécialisées en sciences humaines.
J’invite l’ensemble de la communauté psychanalytique francophone à
découvrir, dans notre volume de 2009, l’éventail de la pensée
psychanalytique mondiale, qui mérite d’être mieux connue en France.
Florence Guignard, Rédactrice responsable de l’Année Psychanalytique Internationale.